Nous avons eu le plaisir de rencontrer Pierre, retraité français expatrié à Bangkok, qui nous a gentiment accordé un peu de son temps afin de nous raconter son histoire et de nous confier ses impressions sur le pays et sa culture. Témoignage.
Son histoire
Depuis quand êtes-vous retraité ?
C’est une question très difficile. J’avais trois société en France, et j’ai décidé en 2001 de tout vendre. Mais je n’avais du tout l’âge de la retaite, à 45 ans. J’ai pris une année sabbatique, puis on m’a demandé de présider des conférences dans des grandes villes françaises. Ce que j’ai fais pendant près de 10 ans.
Pourquoi venir s’installer en Thaïlande ?
Au début, nous avions l’intention d’acheter en Floride, mais mon ex-épouse, après être parti dans plusieurs pays d’Asie en 2011, est revenue avec de merveilleux souvenirs de la Thaïlande ! Elle m’a conseillé de venir découvrir le pays. Je suis donc venu avec mon fils à Bangkok, pendant 10 jours, ou j’ai rencontré 3 agences immobilières, avec des critères bien définis. Et en quelques jours, j’ai trouvé l’appartement idéal ! J’alternais, petit à petit, entre les deux pays. 3 mois par an en Thaïlande, puis 5, puis 8, jusqu’à il y a deux ans, ou je me suis définitivement installé ici. Je ne rentre qu’un mois par an en France.
Comptez-vous retourner en France ?
« Un supplice de rentrer en France ». Pourquoi ? L’humeur des gens, l’agacement français que l’on ressent très vite : « dès que je vois ça, ça y est, je n’ai plus le moral ». En effet, la Thaïlande, aussi connue sous le nom de pays du sourire, fonctionne d’une manière totalement différente. Beaucoup de touristes et expats vous diront que les thaïlandais sont un peuple souriant et toujours prêts à aider la personne en face d’eux. Pierre ne condamne pas son pays d’origine pour autant : « je ne dis pas que ce n’est pas bien, j’ai seulement changé, la vie en France, ça ne fonctionne plus pour moi ». La situation politique et économique de la France ne l’enchantent pas vraiment également. Ce qui pèse aussi dans la balance, ce sont ses enfants qui résident à l’étranger et non pas en France. Avec sa fille au Canada et son fils à Taïwan, le retour ne s’effectue pas par obligations familliales. A priori, il ne compte pas retourner vivre en France, du moins pas pour le moment. Bien sûr, il relativise : « ce n’est jamais tout blanc ou tout noir. La Thaïlande a des défauts, des inconvénients, ce n’est pas tous les jours super à 100% mais je m’y sens bien ».
« J’ai tout ce qu’il me faut ici »
Si quelque chose lui manque ? « Rien du tout ! », déclare Pierre d’une voix forte : « justement, rien ». Bonnes françaises, nous nous exclamons : « même pas la nourriture ? Non, je n’aime pas le fromage ni la charcuterie. La cuisine thaï me convient tout à fait, elle est délicieuse et très variée. Le climat me convient également parfaitement ». Pierre a tout de même gardé un pied à terre en France, sa maison d’avant, sa voiture, qu’il retrouve une fois par an. Il s’est également rapidement construit un réseau et s’est intégré à la communauté thaïlandaise. Auparavant plus proche de la communauté expatriée, il reconnait s’être vite détaché de cette « mentalité particulière » qui ne lui convient pas. Bien qu’ayant encore quelques amis au sein de cette communauté, il cherche plutôt à élargir son cercle d’amis thaï et est même en plein apprentissage de cette langue. Il organise des formations pour apprendre le thai : « je voulais apprendre le thai mais pas tout seul. Donc avec un ami français, on organise des cours ensemble, il a une maitrise de thai et a étudié les langues orientales à Paris. »
Un véritable choc culturel
Le choc culturel se fait ressentir dans de nombreuses situations, des transports jusqu’aux repas en commun. Les locaux ont cependant bien accueilli Pierre, mais un point l’a particulièrementfait souffrir. En arrivant en Thaïlande, il a été très rapidement considéré comme une cible par la gente féminine : « Ca a été un peu compliqué … Il faut être franc, j’ai tout du farang (étranger, ndlr) ciblé par certaines femmes thaïes, j’ai l’air très intéressant à leurs yeux. J’ai l’air fortuné et ça les attire. Naturellement, je suis tombé une fois dans le panneau… Mais actuellement, j’ai une compagne thaï depuis 3 ans. La situation est différente, il n’y a pas du tout de rapport d’argent avec elle. Elle a son travail, 16 personnes qui travaillent pour elle, elle est complétement indépendante financièrement. Il n’y a pas la fonction du farang qui fait le sponsor. » Le choc culturel a été cependant impressionnant et l’est toujours, expatriés et autochtones ne partagent pas le même passé ni la même vision du monde.
Pourquoi Bangkok ?
Mais pourquoi Bangkok, mégalopole trépidante, alors que les destinations balnéaires comme Hua Hin et Koh Samui sont très appréciés des retraités étrangers ? « J’ai acheté l’appartement avec mon ex-épouse qui souhaitait être près des musées, des activités, avoir la possibilité d’apprendre, de prendre des cours… D’où la ville de Bangkok, qui m’a séduit moi aussi très rapidement. » Audacieux, Pierre ne se sert pas des transports en commun à Bangkok, mais de sa moto : « c’est de la folie, en Thailande, c’est terrible. Je pensais qu’après avoir habité à Paris je connaissais le pire, mais ici, ça n’a rien à voir. On ne sait jamais ce qui va arriver. Il faut être hyper concentré sans arrêt. » Des anecdotes expérimentées en moto, Pierre en a plein à raconter : des problèmes avec des motos taxis, des gens roulant à contre sens … La vigilance fait mot d’ordre. Après plus de deux ans à conduire à Bangkok, il apprécie cependant toujours autant d’enfourcher son deux roues pour partir rendre visite à sa compagne, à ses amis, ou pour aller donner des cours de français à Sukhumvit.
Le vrai problème par contre, ce sont les visas. La paperasse fait souvent reculer ceux qui souhaitent s’installer ici. Tous les trimestres, il faut aller déclarer son domicile, et chaque année, ses revenus : « les démarches à effectuer sont lourdes et récurrentes. On n’a pas le sentiment d’être vraiment le bienvenu. C’est pénible, pour un seul papier il faut passer une demi-journée à l’émigration, s’assurer d’avoir les bons documents pour rester dans la légalité… Et surtout faire attention à ne se mettre personne à dos, on ne peut pas risquer l’expulsion. »
Et côté santé ?
Pour ce qui touche au domaine de la santé, Pierre est actuellement en train de souscrire à une assurance. Bien que celle-ci coûte un certain prix (5 000 € pour une année), il considère qu’elle est indispensable et fait appel pour cela à une companie internationale réputée. Ainsi, il sera couvert en cas de problème de santé ou d’accident de moto : « j’ai l’âge que j’ai et je suis conscient qu’il faut être prudent ».
Ce passionnant entretien se termine sur une phrase de Pierre qui illustre parfaitement la vie quotidienne des expatriés en Thaïlande « ce qui fait la richesse de la vie ici, c’est que tous les jours, on apprend quelque chose. »
Propos recueillis par Olivia & Louise